Covid-19 Crise Sanitaire, Crise d’information
Le temps du Leadership
Si la crise COVID-19 est une crise sanitaire « sans précédent » c’est tout autant une crise d’information totalement inédite. Si nous pouvons tous agir sur le plan sanitaire en mettant en pratique les mesures de prévention, les Entreprises et les Leaders ont une puissance d’action considérable face à la crise d’information et un pouvoir de mobilisation et d’engagement de leurs équipes.
C’est une figure de rhétorique destinée à installer un postulat que de proclamer dès aujourd’hui comme « sans précédent » la crise sanitaire que nous traversons. Toute la question est liée à la définition que nous donnons à « crise sanitaire », si l’on considère la mortalité, à ce stade, c’est inexact : En 1918 & 1919, la grippe Espagnole a entraîné entre 150.000 et 250.000 morts en France (1), en 1957, la grippe asiatique au moins 100.000 victimes… En revanche, si l’on retient une acception plus large que le strict critère de la mortalité, telles que les conséquences globales et la construction sociale de cette pandémie, la crise actuelle est la crise sanitaire la plus violente depuis la grippe Espagnole. Pour autant, on peut d’ores et déjà affirmer que cette crise COVID-19, est une crise d’information, et celle-là, sans précédent.
“Toute crise est une crise d’information, et, qui ne maîtrisera pas la crise ne maîtrisera pas la crise”.
Toute crise est une crise d’information et, qui ne maîtrisera pas la crise d’information, ne maitrisera pas la crise, y compris dans ses aspects opérationnels (2). Cette spécificité, et ce sera la première bonne nouvelle, ouvre des pistes majeures d’efficacité pour les leaders et les organisations qui voudront s’y engager, celle de l’information et de la communication de crise.
Comme dans toute gestion rigoureuse de crise regardons la réalité en face sans réassurance ou catastrophisme immatures : Le virus circule, de manière constante ou exponentielle selon les problématiques épidémiologiques locales, comportementales et saisonnières pondérées ou par les stratégies sanitaires et leur application. Jusqu’à une immunisation collective potentielle (au moins 60% de la population) avec des « coûts humains » qui pourraient être considérables ou la mise à disposition de vaccins, il n’y a aucune raison scientifique que l’épidémie s’arrête spontanément. Nous avons donc de longs mois devant nous à devoir cohabiter avec l’incertitude et des espaces de doutes sur l’ampleur des enjeux sanitaires, sociaux, économiques. Tromper n’est pas rassurer.
Différence entre incertitude et risque ? La marge de manœuvre pour agir.
Par ailleurs, deuxième bonne nouvelle, cette réalité à une évolution positive de l’environnement ; Nous sommes collectivement beaucoup mieux préparés à faire face au risque. Nous savons mieux prévenir et nous protéger, les soignants ont une meilleure prise en charge des malades, nous comprenons mieux ce virus, la recherche clinique progresse et des vaccins sont en phase de développement, nous progressons, la population est éduquée, et, pour l’immense majorité d’entre elle, civique, responsable et engagée. Dans ce même registre, ce qui étaient des « incertitudes absolues » imprédictibles par défaut de repères, deviennent des risques, déjà expérimentés que nous avons appris à gérer. Ce n’est plus du tout le même profil de management de crise. L’incertitude relève de la prédiction, le risque d’une analyse et de plans d’action activables.
Mauvaise nouvelle « bad news fake news », c’est ainsi, et ce n’est pas nouveau, c’est même une constante des peurs sanitaires. Dans les toutes pandémies, dans l’histoire il faut se confronter le trépied classique : (1) La maladie n’existe pas, (2) Il y a un traitement miraculeux (3) Un grand complot obscur et protéiforme orchestre ce bal visant à aliéner et à asservir la planète à une diversité de groupes d’intérêt. Plus préoccupant, ces thèses sont amplifiées par certains médias, dont le populisme et l’exploitation des peurs sont des axes stratégiques de leur modèle économique, que nous sommes nombreux à consommer. Ceux qui hantent leurs plateaux, qu’ils soient philosophes, scientifiques, people, egos douloureux aux troubles desseins, ont néanmoins une parole qui porte car, beaucoup de nos concitoyens inquiets cherchent simplement à comprendre, croire, ou espérer. La science qui par nature est un barrage au populisme, en est devenue un outil dans des mains de « COVIDOSCEPTIQUES » aux intentions par trop lisibles.
Certes, il faut écouter, entendre et parfois prendre en compte les griefs des « anti… », mais la « Fatal Error » serait d’ajuster la communication sur leurs griefs. Tous les arguments seront systématiquement démantelés sans pour autant rallier aucun opposant. L’information et la communication doivent se construire sur la base de l’unité de celles et ceux, alliés sur la finalité, qui s’engagent et, qui légitimement se questionnent. Nous devons aussi savoir accepter l’idée qu’un mensonge simple et séduisant sera toujours privilégié à une vérité complexe et dérangeante. Et préparons-nous, les « Anti-Masques » d’aujourd’hui seront les « Anti-vax » de demain les “Anti-Masques” étant d’ores et déjà très majoritairement des “Anti Vax”.
Trouver l’information précise auprès d’une source fiable est un enjeu majeur.
Dans un contexte où la confiance dans la parole publique est hélas au plus bas : En effet, si « 73% des Français se déclarent inquiets face à la propagation du virus », « 65% disent ne pas avoir confiance dans le gouvernement pour lutter efficacement contre l’épidémie », alors que « plus de 70% approuvent les mesures mises en place » … La question du très faible niveau de confiance dans la parole de l’État est complexe et va au-delà de la communication COVID-19. Faible assise sociale et électorale, désenchantement… et son traitement ne relève résolument pas de cet article.
La « Troisième Bonne Nouvelle » est que l’entreprise obtient des scores de confiance élevés (4) tant sur la confiance des salariés dans les mesures de protection mises en place, que dans la crédibilité des informations qu’elle délivre. 68% des employés déclarent qu’ils font confiance et attendent des informations sur le Coronavirus de leur employeur. L’employeur est en première position devant l’État (62%), les médias traditionnels (54%) et les médias sociaux (26%).
COVID-19 Leaders le pouvoir d’agir
Regardons la situation factuellement et positivement :
– La Covid-19 est une crise sanitaire, comme toute crise est une crise d’information.
– Les Français cherchent des sources fiables d’information et c’est un enjeu majeur.
– Les sources usuelles d’information souffrent de doute et de discrédit.
– Plus de 70% des salariés ont confiance dans les informations venant de leur employeur et l’attendent.
L’entreprise est un repère de proximité.
– Les leaders ont des pouvoirs de référence, de connexion, d’information…
Tout est réuni pour réussir la mobilisation : un enjeu d’engagement, des équipes en demande et en confiance, une offre de communication qui répond à ce besoin.
En pratique, cela signifie pour les leaders en entreprise qu’ils ont le pouvoir d’agir, d’engager et de mobiliser leurs équipes dans cette longue période de doute. Que ce soit parce qu’ils sont inquiets pour le futur de leur entreprise, parce que la relation au travail se dégrade ou se distend, ou que leur santé et celle de leurs proches les préoccupe, les équipes risquent de traverser une phase progressive de désengagement à bas bruit.
Ce risque de désengagement, comme dans toute crise, commencera avec des signaux faibles. Par exemple, pour les salariés en télétravail depuis 6 mois, des doutes ou des freins sur la nécessité de reprise d’activité sur le lieu de travail n’en voyant pas les bénéfices opérationnels au regard d’un meilleur équilibre de vie. En Ile de France notamment, des entreprises ont déjà entamé des cessions partielles ou totales de locaux en repensant leur organisation vers un télétravail massif.
Reste à écrire l’histoire et identifier les meilleur(e)s leaders qui réunissent les qualités pour maximiser cette stratégie.
Brief de Communication pour Leaders au temps du COVID-19
Durant cette crise inédite qui va durer plusieurs mois, les équipes recherchent des leaders qui vont renforcer le niveau de confiance dans :
– La bienveillance et la volonté de l’entreprise d’assurer leur protection.
– La stratégie et la capacité pour l’entreprise pour surmonter cette crise.
La bienveillance en entreprise n’a rien de comparable avec l’angélisme. L’angélisme c’est spéculer sur la croyance, le tout va bien et le meilleur est en nous et à venir… Être bienveillant en entreprise c’est être clair dans ses communications, énoncer les faits tels qu’ils sont, les difficultés, les options, les actions. Les collaborateurs savent, ressentent et font grief aux dirigeants de ne pas les avoir traités en adultes responsables, même, si l’intention initiale du dirigeant était de « rassurer ». Être bienveillant c’est entendre les besoins des équipes et y répondre par une recherche de solutions commune, clarifier les situations pesantes, faciliter la coopération, être confiant par opposition à méfiant. La bienveillance est une stratégie surproductrice et exigeante d’authenticité.
Donc :
- Informez/Communiquez vite, en avance ou en temps sur les décisions de l’État (appliquer les mesures gouvernementales ne relève pas du leadership, mais de la compliance). Prenez position.
- Occupez l’espace ! Privilégiez des spots courts collant à l’actualité aux formats planifiés qui seront toujours en décalage.
- Revendiquez le droit de ne pas savoir & le droit à l’erreur. Ne persistez pas dans de mauvaises directions par « orgueil structurel ». Gardez en tête que quand on « loupe » la première marche de communication dans une crise, c’est très difficile de retrouver l’équilibre. (Vous voulez des exemples ? 😉).
- Soyez transparents et précis sur votre performance, vos enjeux et votre business plan dans le contexte. Vous mobiliserez dans l’adversité. Rappelez-vous : « Tromper n’est pas rassurer »
- Rattachez et intégrez les valeurs et la mission de votre entreprise dans chaque communication COVID-19. Dans l’inquiétude, en télétravail, indispensable d’entretenir la fierté d’appartenance et de maintenir le lien avec l’entreprise au-delà du job.
- Racontez une histoire, une saga, le rôle que votre entreprise joue dans cette crise, des exemples d’action de vos équipes. Forcez la dimension humaine pas d’avalanche de PowerPoint.
« Last but not Least » : Identifiez parmi vos leaders celles et ceux qui vont incarner le message
Parmi les convictions de gestion de crise de Vertical Partners, une des plus ancrées, est, que, même s’il est fondamental d’avoir un schéma directeur des plus rigoureux, avec des processus, des équipes entrainées, une organisation, une chaîne de commandement, des retours structurés d’expérience… le levier différentiel de succès sera dans le leadership de celles et ceux qui conduisent et qui incarnent la conduite de crise.
Cela fera l’objet d’un article ultérieur, mais dans le contexte : Tout le monde n’est pas fait, ou préparé pour tenir les rôles des voix et des visages qui seront des repères dont vos équipes se souviendront et qui vont incarner la dimension de leadership bienveillant et positif. Soit, ils sont déjà identifiés, connus et reconnus, soit il est nécessaire de les identifier, de mener un « assessment » et de les préparer. Ce ne sont d’ailleurs pas nécessairement les dirigeants, qui ont d’autres tâches à mener, ni celles et ceux qui assurent les responsabilités techniques de crise et de sécurité. Oubliez la hiérarchie et le cadre et cherchez l’authenticité et l’impact. Et les crises révèlent des talents et des futurs leaders.
Répartissez les rôles dans vos équipes entre celles et ceux qui vont conduire l’activité de l’entreprise et les équipes en charge de la gestion de crise et communiquez-le.
Identifiez, pariez et investissez sur des leaders qui vont incarner la bienveillance la protection du capital humain et culturel de l’entreprise.
Ce choix est critique ! Cette crise est un « crash test » pour les valeurs proclamées des entreprises, si les leaders sont exemplaires dans ce registre vous mobiliserez comme jamais, si vous les démentez ou les laissez à l’arrière-plan, vous ferez des économies d’affichage de chartes d’affichage dans vos espaces de travail et vous aurez manqué une opportunité unique d’engager et de protéger vos équipes.
Jean-Yves Lecoq Fondateur Vertical-Partners
Vertical Partners est un cabinet de conseil spécialisé dans la Gestion et Communication de crise la Communication sensible
(1) Institut Pasteur
(2) Joseph Scanlon Carleton University
(3) Avis juin et juillet 2020 Conseil scientifique COVID-19
(4) Edelman Trust Barometer 2020; Special Report: Trust and the Coronavirus